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A la folire !
27 avril 2023

Septembre : Charly et Lulu face à l'effondrement

Le saviez-vous ? En septembre, quand il fait beau et que les gens normaux profitent des dernières journées estivales, avec Joe Dassin dans le cœur, les profs, eux, ravalent leur cafard pour afficher une résignation (faussement) enthousiaste face à l’année scolaire qui débute. Mais dans leur cœur à eux résonnent ces paroles criantes de vérité de La Femme : « Maintenant, je vais devoir travailler. […] Pour 9 mois, me voilà condamné. »… Et oui, ces grosses feignasses en voudraient encore, des vacances !

C’est donc lors de l’un de ces beaux dimanches de septembre, alors que j’étais perchée là-haut dans mon bureau, dos tourné à la rue, au soleil et à la vie, en pleine préparation de cours, que je vis débarquer 2 bogosses tout sourire : Charly et Olivier. Dans leurs mains, un paquet – et dans ce paquet, un livre accompagné d’une carte illustrée par les talents de Charly…

 

On devrait tous avoir Charly et Lulu dans sa vie.

Où es-tu, monde admirable ? Sally Rooney

C’est que Lulu avait œuvré en sous-marin : comme je venais de fêter une semaine plus tôt un (gros) anniversaire, elle avait proposé qu’une personne m’offre un livre par mois au cours de l’année à venir, afin de me rendre plus léger le poids des ans. Charly, en preux chevalier, avait vaillamment pris le 1er tour, et m’apportait le livre : Où es-tu, monde admirable de Sally Rooney.

A la découverte de la couverture, petit chamboulement dans ma poitrine, et pas seulement du fait que sa couleur était parfaitement assortie au mur de mon séjour…

Il est vrai que j’avais bassiné mon entourage avec Normal People de la même Sally Rooney, et faut pas croire, Charly, même s’il en a pas l’air, il a les oreilles aux aguets. Et truc de méga dingue, de retour d’Irlande, je venais de regarder Conversations with friends, série adaptée du 2e roman de l’autrice…

Bref, que de surprises pour un petit dimanche de septembre…

 

Jeunes femmes irlandaises, la trentaine

Où es-tu monde admirable, c’est l’histoire de 2 amies, Alice et Eileen, dans la jeune trentaine. La 1ère, romancière au caractère un peu chelou, se remet tout juste d’un burn-out et se réfugie dans une maison sur la côte irlandaise. Le roman s’ouvre sur son rencard foireux avec Félix, chopé via Tinder. La 2nde vit à Dublin où elle exerce une fonction un peu vague dans une revue littéraire pour laquelle elle effectue des relectures et écrit quelques articles, à la fois consciente et passive face à son potentiel inexploité.

On assiste à leurs 2 histoires parallèles, entre un monde qui part en vrille et leur vie personnelle qui vivote. A distance l’une de l’autre, elles s’envoient des mails à rallonge dans lesquels elles se racontent leur quotidien et échangent leurs questions existentielles hautement subtiles.

 

Conversations with normal people in a (not) beautiful world

Dans ce 3e roman de l’autrice, on retrouve plusieurs ingrédients des 2 précédents :

- des histoires d’amour, même si elles sont cette fois doubles et portées au second plan ;

- une amitié entre filles parfois faite de rancœur et de réflexions profondes, comme dans Conversations with friends ;

- quelques problèmes de confiance en soi, qui peuvent donner des sentences totalement bannies par les adeptes de la psychologie positive : « j’ai vraiment l’impression d’être un échec ambulant et que ma vie ne vaut rien » ;

- une fin en queue de poisson, comme je les aime !

J’ai trouvé le roman agréable et apprécié le fait de retrouver l’univers de Sally Rooney et l’atmosphère de l’Irlande. J’avoue avoir toutefois été moins au taquet que pour ses 2 1ers romans. C’est que les nœuds au cerveau des 2 demoiselles m’ont parfois décontenancée : il m’est arrivé, après 3 lectures de la même phrase pour essayer de suivre leur raisonnement, de me dire « bah, pfff, pas compris ! ». Peut-être est-ce dû aux lacunes de mon cerveau vieillissant ? Peut-être aussi au complexe de n’avoir pas le souvenir d’avoir échangé de mails aussi torturés avec mes copines, même lorsque notre jeunesse battait encore son plein ? Heureusement, 2 collègues m’ont dit avoir elles aussi eu du mal à suivre les réflexions d’Eileen et Alice, ce qui m’a rassurée. La probabilité pour qu’on soit connes toutes les 3 est quand même faible, non ?

 

Miroir, mon beau miroir…

Le roman reflète toutefois à merveille nos errances contemporaines. On y découvre tout d’abord les relations homme-femme post-libération, ce qu’on en fait, ou ce qu’on n’en fait pas. Pour Alice, on est loin de la comédie romantique : Félix m’a semblé être un gros con qui aime mettre la zone – frustré par la vie, il semble avoir le besoin de rabaisser les autres. Eileen quant à elle a pour meilleur ami Simon, l’homme idéal – hormis le fait qu’il soit catholique croyant et pratiquant, ce qui décontenance son entourage, et qu’il semble préférer se taper des nanas beaucoup plus jeunes.

Il est vrai que 30 ans, c’est l’âge où l’on « regarde le papier peint vieillir », dixit Miossec. Les autres s’installent, se barrent, construisent leur vie. Alors pour qui n’est pas monté dans le train, les grands moments de solitude débarquent avec leur lot de doutes et d’angoisses.

On assiste aussi à l’invasion des écrans, dans un monde où consulter ses notifications est une activité à part entière. Et on partage la prise de conscience paralysante d’Alice de l’aberration de notre mode de vie, fait de consommation de plastique et de produits emballés qui nous mène droit dans le mur.

Le roman met donc parfaitement en avant notre schizophrénie actuelle : tout se casse la gueule, mais comme on n’arrive déjà pas à gérer nos vies, on ne peut qu’en être les spectateurs et ne rien faire (enfin nous, en France, on a Cyril Dion, c’est différent…).

 

Moralité : si vous avez la chance de ne pas encore avoir découvert Normal People, sautez dessus ! Ou si vous êtes nostalgique de Marianne et Connell ou Frances et Nick, vous en retrouverez quelques miettes dans Où es-tu, monde admirable ?

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