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A la folire !
7 mars 2014

Un tsunami de paroles et quelques gouttes de bon vin

Il aura suffi de quelques gorgées de vin pour que je prenne la liberté folle de faire une grave entorse à l’angle éditorial de ce blog : « Savoir enfin qui nous buvons » de Sébastien Barrier n’est en effet pas un bouquin, mais un spectacle qui relève de la catégorie des « arts de la parole », appelée jusqu’à il y a peu « contes » (qui n’en étaient plus vraiment et qui ont donc changé de nom). Mais en fait, une fois qu’on a dit ça, on a rien dit…

Rien de tel pour clore une semaine de ouf

En cette fin de journée du vendredi 28 février, j’ai bien cru ne jamais parvenir jusqu’à la salle Saint-Joseph de La Madeleine de Saint-Lyphard. Je devais assister avec mon frère à une soirée dégustation animée par un type drôle que j’avais déjà vu à l’œuvre à Nantes…

Mon parcours a en effet été semé d’embûches… Il faut dire que tout au long de la semaine, j’avais mis mes nerfs à rude épreuve : j’étais comme on dit « gonflée à bloc ». J’ai donc enchaîné les boulettes qui, outre le fait de m’avoir donné le sentiment perturbant de côtoyer de très près l’hystérie, m’ont fait débouler à 20h24 chez mes parents – soit 6 minutes avant le début du spectacle… sachant que nous avions rendez-vous à 19h pour un dîner en famille en toute tranquillité.

Après un passage obligé par la salle de bain pour changement de tee-shirt – le précédent exprimant de façon trop prégnante toute l’intensité de mon énervement des heures passées – au son des « t’es vraiment nulle de qui tu tiens ça pas de moi toujours c’est pas possible de voir ça » de mes parents, nous voilà mon frère et moi en route vers La Madeleine, conduits par notre père (nous avions négocié la formule dîner + chauffeur) !

Pétrie du sentiment d’être une mauvaise fille incapable d’être à l’heure et frôlant de surcroît dangereusement la folie, j’ai enfin posé mes fesses sur la chaise qui m’accueillait sans le savoir pour les 4h30 qui allaient suivre. Un verre mais pas de crachoir : ventre vide + fatigue + alcool = vague inquiétude d’aggraver encore mon cas…

sebastien-barrier-savoir-enfin-qui-nous-buvonsEt Sébastien Barrier se mit à parler

Enfin je ne sais pas si on peut dire les choses ainsi, car Sébastien Barrier a dû commencer à parler un jour et ne jamais s’arrêter depuis… disons que là, je suis enfin disposée à tendre l’oreille au flot de paroles qui sortent de sa bouche… au bout de quelques minutes, je retrouve une totale quiétude intérieure : ce mec est complètement ouf ! Me voilà pleinement rassurée sur ma santé mentale…

Il parle très vite, fait plein de digressions, évoque l’autostoppeur rencontré la veille, sa recherche difficile d’un réseau pour se connecter au web l’après-midi, parle de Ludo, un gars du coin qui l’a invité chez lui pour lui faire profiter de son réseau Wi-Fi, de la buraliste, de son ex-femme et de toutes les autres dont il est amoureux, de sa rencontre avec les viticulteurs dont il va parler, des Papous, de son premier joint… au bout d’1h, il nous dit que son intro va bientôt se terminer ; là on se dit « quel méga déconneur ! » - mais non, il dit vrai… on le comprend au moment où on nous sert le premier des 5 vins (pas n’importe lesquels, des vins naturels s’il vous plaît !) que l’on va goûter tandis qu’il prend sa guitare et se met à faire défiler un plan du val de Loire localisant ses potes les viticulteurs : la véritable intro débute à cet instant.

Les heures défilent ensuite : on nous sert des vins, il prend puis pose sa guitare, fait défiler les photos des viticulteurs, raconte leur histoire, diffuse des extraits de leurs « témoignages », relate les cuites qu’il s’est pris avec et sans eux, engueule Xav’, son technicien complètement stone à l’autre bout de la salle lorsqu’il oublie de lancer l’éclairage adéquat au bon moment… Au milieu de tout ça, il demande l’heure qu’il est, cherche des feuilles pour se rouler une clope, ne trouve plus son ordinateur qu’il a rangé au début du spectacle, parle, parle, parle, et boit aussi, puis dit soudain « bon allez on enchaîne, je voudrais être à 3h chez moi ! ». Un vrai marathon au cours duquel quelques spectateurs se découragent et quittent les rangs, mais la plupart restent… et certes les vins sont bons, mais il n’y a pas que ça…

Mais c’est qui ce type ?

Un baratineur, un clown comme il se désigne, un chieur, une tête à claques, une grande-gueule, un bobo qui se la raconte, un intermittent du spectacle peu fréquentable, un dépressif profond, un artiste génial ? Sans doute un peu de tout ça… Il est drôle, cinglé, à l’arrache, il ne nous loupe pas mais ne se loupe pas non plus… et il débite à une vitesse grand V des phrases qu’il nous faudrait 5 minutes à écrire dans un français aussi correct…

L’écouter, c’est comme rentrer dans un gros bouquin à l’écriture un peu compliquée. Au départ on doit s’accrocher pour s’acclimater au style de l’auteur, puis au bout de quelques pages, une fois rôdé à ses tournures de phrase, on ne décroche plus. On boit ses paroles comme on boit le vin qu’il nous invite à déguster… on se surprend même parfois à acquiescer comme s’il ne parlait rien qu’à nous ; et puis on se marre, surtout !

Quand il se met à scander « mais tu vas la fermer ta grande gueule ! », on a envie de se défouler et de crier avec lui (enfin les autres je sais pas, mais moi si). Quand il nous parle de Marc et de son tic de langage « comment qu’s’appelle », on a l’impression de faire la connaissance de ce type ; quand il évoque le côté obscur de Pascal, la naissance de la vocation de Noëlla, le travail de Yohanne, la photographe auteure des portraits, on est chez eux, avec lui…

Et c’est quoi ce truc ?

Une dégustation ? Si par là on entend cul serré, petit doigts levés et bruits de bouche un chouia énervants : pas du tout ! Ici il n’est question ni d’arômes, ni de robe, ni de couleur… Pour toute analyse, il nous jette un « alors, celui-là, vous l’avez trouvé comment ? » - le vin est bon, c’est vrai, mention spéciale et chauvine pour le muscadet qui n’en est pas de Marc Pesnot, viticulteur à Saint-Julien-de-Concelles !

Un spectacle ? Oui et non, parce qu’on n’est pas juste là, en observateur… on est en train de vivre un truc avec ce mec énervé devant nous. Et puis « art de la parole » why not, mais Sébastien Barrier sort de tous les cadres et explose toutes les conventions… difficile de démêler le vrai du faux, l’exagération du vécu, l’impro du spectacle rôdé…

Une séance de psychothérapie collective ? Peut-être plus, oui… Il se montre en effet sous ses visages les moins glorieux et expose ses névroses en nous rassurant sur les nôtres (puisque les siennes sont pires).

Un plaidoyer pour les produits bio ? Alors oui, il fait la promo des vins naturels, sans substance additive ni sulfite (pour un réveil sans barre au crâne le lendemain de cuite !)… mais c’est pas comme s’il n’avait pas fumé une dizaine de clopes dans la soirée…

Et dans le fond, on s’en fout ! C’est juste une évocation de la vie des gens, de leurs travers, des baffes qu’ils prennent et distribuent, des belles choses qu’ils réalisent… un grand vent de liberté, de terroir et d’humanité – cabossée certes, mais d’autant plus belle !

Si vous voulez constater par vous-mêmes : bonne nouvelle, le garçon se produit encore aux 4 coins de la Loire-Atlantique en 2014 par l’intermédiaire du Grand T et saoulera de paroles nos potes les Rennais au festival Mythos !

Après les vins, le yaourt de la paix…

Pour clore la soirée en beauté, de retour chez mes parents, un pot de yaourt esseulé déposé par ma maman attendait sa vilaine fille pour qu’elle ne se couche pas le ventre vide et le cerveau imbibé de vin…

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M
le tsunami revient pour Village en fête à La Madeleine le week-end prochain
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