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A la folire !
29 avril 2013

L’Ecume des jours, ou l’inégalable talent de Boris Vian

L’Ecume des jours, le film…

Dans le Télérama de janvier 2012, la sortie de l’adaptation cinématographique de L’Ecume des jours était annoncée pour une diffusion dans l’année ; et déjà, j’étais sur les starting-blocks : parce que voilà, depuis que je l’ai découvert au lycée, ce roman de Boris Vian est mon livre fétiche. Près d’un an-et-demi plus tard, le film de Michel Gondry est à présent dans les salles…

Bon, le casting et les gros noms qui y figurent me faisaient un peu peur : Gad Elmaleh, Omar Sy… manquaient plus que Ramzy et Franck Dubosc, et on aurait presque pu se croire dans Les seigneurs… mais il ne faut pas s’arrêter à ce genre de préjugés, non ?

Alors pour être sûrel-ecume-des-jours-boris-vian d’être bien déçue, j’ai pris le soin de relire intégralement le livre dans l’édition que j’avais dégottée à l’époque chez mes parents, dans la pièce dite « débarras », sous le placard à chaussures. La couverture avait morflé, les pages écornées et odorantes étaient proches de la décomposition, mais en le refermant la veille d’aller au ciné, je suis à nouveau restée hébétée et me suis dit : « c’est trop beau ». Mercredi soir, la journée de boulot achevée, j’ai pris la direction du Katorza, à Nantes - pour rester dans l’ambiance papier jauni et douce odeur de vieux…

Et bah voilà, j’ai plutôt bien réussi mon coup… dès les premières minutes de la projection, je me suis dit : bah nan, ça le fait pas. En toute mauvaise foi, j’étais presque vexée…

Déjà, j’avais des doutes sur le personnage de Colin joué par Romain Duris… doutes qui se sont avérés fondés : personnellement, le fait que Romain Duris ait bientôt quarante piges (ce qui n’enlève rien à son charme, entendons-nous) quand Colin en a une vingtaine, bah je trouve ça gênant. Et puis bon, malgré tout son talent, difficile de croire au jeu de Romain Duris le nigaud-avec-les-filles quand on l’a vu se taper 2 ou 3 nanas en même temps dans L’auberge espagnole ou Les poupées russes.

Et puis il y a eu aussi tout le reste : Isis l’inaccessible, celle qui fait rêver apparaît là comme une espèce de grosse niaise ; la souris, si mignonne dans le bouquin, est ici un gros barbu en pyjama poilu : on dirait un Télétubbies qui se serait roulé dans la boue. Au début du film, ça déborde de partout : le bruit, les couleurs… ça en ferait presque mal au crâne… même Chloé essaie d’avoir un peu d’humour voire de caractère, c’est dire… Pour résumer, ce qui est drôle dans le bouquin est moins drôle ici ; ce qui y est incongru, loufoque, inquiétant, beau… tout ici l’est, en moins bien…

Alors on pourrait dire : oui mais quand on a lu un livre, on est toujours déçu par le film… ce qui n’est pas tout à fait vrai je trouve, mais passons !

Au lieu de tailler un costard au film, pourquoi ne pas plutôt faire l’éloge du livre ?

 

L’Ecume des jours, le livre…

boris-vian-l-ecume-des-joursCe qui manque pour moi au film, c’est justement ce qui fait la beauté du livre : la poésie de l’univers créé par Boris Vian, qu’aucun réalisateur, quel que soit son talent, ne pourrait restituer !

Si le livre est si beau, c’est aussi parce qu’il fait très mal : Colin est comme un enfant dans le corps d’un garçon de 20 ans. Il a l’air d’être né au début du roman, ou plutôt d’avoir été parachuté là, dans une vie où tout est beau : il a un cuisinier surdoué, un meilleur ami fidèle, un appart génial, de l’argent et une petite souris adorable pour colocataire. Et puis un pianocktail, aussi… Alors forcément, il croit que ça va toujours être comme ça. Ne lui manque qu’une fille à ses côtés, et tout serait parfait.

Bien sûr, le monde autour de lui paraît un peu menaçant ; à la patinoire par exemple, mieux vaut ne pas rester vautré par terre pour éviter de se retrouver dans la benne à ordures avec les autres morts et semi-morts… mais ça, ça ne concerne pas Colin, au début du moins. Et voilà qu’il rencontre Chloé ; alors qu’il est au summum du bonheur, c’est justement là que tout se casse la gueule. Les baffes, le petit garçon Colin les reçoit puissance 10. Lui qui était tellement confiant, et gentil, et naïf, il ne pouvait pas se douter que la vraie vie, c’était comme ça.

Au début, sa naïveté fait beaucoup rire. Mais finalement, il entre doucement dans un parcours initiatique à la découverte de la laideur du monde. Rayonnant, celui-ci devient peu à peu un marécage fétide et envahissant. Mais même dans cette atmosphère oppressante, l’humour de l’auteur demeure, jusqu'à la scène finale, où, malgré son désespoir, la souris suicidaire se rebiffe contre l’haleine puante du chat qui doit abréger ses souffrances. Et au fil de cet enlisement, Colin tente comme il peut de rester à la surface pour sauver Chloé…

Le plus dur, c’est que le malheur se cache aussi dans les jolies choses : le nénuphar, les fleurs, le marécage sont d’une beauté ambivalente, à la fois angoissante et poétique !

Et puis Jean-Sol Partre, les scènes religieuses, les cheveux d’Alise, Nicolas et son parler prout-prout, le nuage… il y aurait tant à dire !

Bref, c’est pas que le film soit nul et son réalisateur est d’ailleurs loin d’être naze ; on ne peut que saluer son courage de s’attaquer à un tel bouquin ! C’est juste que le livre est tellement génial…

Donc si vous ne l’avez pas encore lu, bah vous avez trop de chance… sachez qu’au fil de quelques 170 pages, le talent de Boris Vian vous attend, gentiment posé sur le papier… Et pour le film, bah faites comme vous voulez… mais si vous avez envie d’aller le voir, je serais à votre place, je lirais d’abord le bouquin pour imaginer votre Colin, votre Chloé et votre souris à vous…

Pour finir, petite démonstration de la gentillesse pas comme les autres de Colin décrite par les mots pas comme les autres de Boris Vian : « Il était si gentil qu’on voyait ses pensées bleues et mauves s’agiter dans les veines de ses mains. ».

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